Ce matin, à l'heure où la grande majorité des élèves pionçaient encore paisiblement sous leur couette, Sylvia se leva de bonne humeur, le plan de sa journée déjà bien tracée. Des cours par-dessus la tête, elle commencerait la journée par un passage à la bibliothèque. Première arrivée, première servie, c'était bien là sa philosophie du matin. Cela obligerait également Mrs Pince à bouger ses dix doigts pour lui enregistrer le prêt de ses douze livres de si bonne heure, et mettrait Sylvia dans une humeur toute disposée à avaler un petit déjeuner en quatrième vitesse. Après un cours d'arithmencie, d'études des runes et de potion, la pause aurait finalement lieue. Sylvia aurait alors deux heures pour se détendre un peu, profiter de ses lectures de la journée, et manger un repas qui lui tiendrait au ventre jusqu'au soir.

Onze heures et quart. Le professeur Rogue laissa filer ses élèves avec un quart d'heure de retard. Ce qui ne dérangea pas Sylvia le moins du monde. Si elle n'appréciait guère le professeur Rogue pour son évident penchant pour la maison des Serpentards, elle savait cependant apprécier le talent dont il était doté pour la préparation d'une potion. Bien qu'elle était certaine d'être largement plus doué que lui, au même âge.

Attrapant son sac, Sylvia décida de se trouver un petit coin tranquille dans ce château qui grouillait de monde. Elle avait absolument horreur de lire entre les piaillements des adolescentes pré-pubères de Poufsouffles, des pseudos démonstrations de bravoure des Gryffondors et des moqueries des Serpentards envers les autres maisons. Le parc du château qui lui semblait un bon endroit se trouva rapidement plongé dans un véritable brouhaha. Le banc en pierre légèrement à l'écart, qu'elle occupait habituellement, était utilisé comme lieu de drague par trois Gryffondors.

(Lamentable) pensa Sylvia en levant les yeux au ciel.

Finalement, la Serdaigle aux bouclettes blondes avait du mal à dire ce qui était le plus pitoyable. Les trois garçons et leur trop plein de testostérone ? Ou les cinq adolescentes de trois ans leurs cadettes, qui étaient au bord de l'évanouissement à chaque mot que l'un, l'autre ou le troisième, prononçait ?

S'avançant dans le parc du château, tout en continuant de chercher une place à l'écart, Sylvia posa un instant son regard sur la hutte du garde-chasse, Hagrid. Un demi-géant, bourru aux premiers abords, mais finalement plutôt sympathique. Pas l'homme le plus intelligent que Sylvia aie rencontré, bien sûr, ni le meilleur des professeurs, mais il n'était pas trop mauvais, dans son genre.

Quoiqu'il en était, Sylvia cherchait un coin tranquille. Et les abords de sa hutte étaient rarement peuplés. La jeune fille décida donc de s'y installer, une petite heure, avant que son ventre ne commence à crier famine.

Arrivée près de la cabane, Sylvia posa son sac au sol, attrapa le premier des douze bouquins qu'elle avait choisi lire : De l'oeuf ou du dragon, qui est arrivé en premier ? Conséquences qu'il en découle, et s'assit sur une pierre qui n'avait pas trop l'air inconfortable. De toute façon, elle n'était pas du genre douillette. Ouvrant son livre, Sylvia se rendit alors compte qu'elle n'était pas seule. Trop absorbée par ses pensées et son choix de livre, elle n'avait jusqu'à alors remarqué le jeune homme non loin d'elle. Un Serdaigle. Lanka Malhotra. Elle ne connaissait rien de lui, si ce n'était qu'il était totalement associable. Du moins, c'était là son point de vue.

Il avait un livre entre les mains. Sylvia ne l'avait pas lu. En revanche, elle connaissait son auteur pour être une écrivain de fiction. Genre que Sylvia n'affectionnait pas particulièrement. Elle avait lu quelques livres afin de savoir ce qu'il se cachait derrière les mots "romans" ou même "pièce de théâtre", mais sans grand enthousiasme. Cela n'apportait rien, si ce n'était des morales à deux noises, bons pour des sorciers de cinq ans. Lire un bon essai philosophique ou un rapport scientifique de qualité était tout de même autre chose !

"Il y a encore des gens qui osent lire ce genre de livres ?" lança-t-elle à Lanka avec une voix haut perchée. "Vue la tête que tu fais, on dirait bien que ce n'est pas le plus grand chef d'oeuvre de la littérature sorcière !"

Sylvia crut un instant que son interlocuteur était dépourvu de langue, ou qu'il n'était pas disposé à lui répondre. Ce qui ne l'étonnait guère. Un Serdaigle prit en flagrant délit de lecture abrutissante devait sans doute préférer se carapater un peu plus loin pour éviter l'oeil inquisiteur de la préfète en chef. Mais après tout, elle se fichait bien de sa lecture. Au moins, cela prouvait qu'il savait lire. Chose qui n'était certainement pas donné à tout le monde, à Poudlard. Il n'y avait qu'à voir le comportement primitif de certains Serpentards. À croire qu'ils n'avaient jamais pris la peine d'ouvrir un livre et de s'instruire ! Pas étonnant que certains ne sache parler qu'à l'aide d'insultes diverses et variées.

"En effet". Ce furent finalement les deux mots qui sortirent de la bouche du jeune homme de Serdaigle. Chose finalement pas si étonnante que cela quand on avait une vague idée de la personnalité du jeune homme. Solitaire, c'était le premier mot qui venait à l'esprit de Sylvia pour le caractériser. Jusque là, elle ne l'avait jamais vu participer à de grands débats philosophiques dans la salle commune ni discuter des enseignements à la sortie d'un cours. Associable ? Peut-être pas. Mais il n'était certainement pas le genre à faire le premier pas. Ce qui tombait à pic : Sylvia aimait aller au devant des autres. Mais rarement pour commencer une amitié. C'était loin d'être son genre.

"Toujours seul à ce que je vois. Tu devrais penser à te mêler aux autres. Vivre une amitié dans le monde réel, c'est mieux que dans un roman", fit-elle remarquer avec un sourire satisfait.

Ce que les gens auraient pu appeler un manque de tact, Sylvia le considérait comme de la franchise et un sens de l'observation dont tout le monde ne possédait pas. Il fallait dire ce qu'il était : les romans, c'étaient bon pour rêver après quatre-vingt ans, quand l'aventure n'était plus à notre portée. Mais pas avant.

Une légère brise plutôt fraîche se leva. Sylvia resserra sa cape autour de ses épaules puis réajusta ses lunettes sur son nez d'un geste machinal. Son bouquin sur les genoux, Sylvia tourna la page de couverture.