Cette fois-ci, Wilbur avait décidé de se montrer prévoyant. Comme, depuis plusieurs nuits, les insomnies le maintenaient fercocement éveillé, le Serpy jugea preferable de ne pas monter dans le dortoir, d'esquiver son lit et les peurs qui naissaient au creux de celui-ci. Le sommeil, quand il arrivait à s'emparer de lui, se voulait assassin, l'enfermant dans une douleur presque insupportable et Wil' s'extirpait toujours de ses cauchemars en nage, le souffle haletant et des éclairs dans les yeux. Des hurlements, des visages decomposés... Quand il était petit, en supposition qu'il fut un jour enfant, Wilbur adorait faire des cauchemars. Il attendait patiemment le jour pour voir arriver la nuit et se plonger dans ses ténèbres. Ses sombres rêves étaient pour lui les films qu'il n'avait jamais pu voir, les idéaux qui allaient guider ses pas par la suite, les peines retranchées qui s'exprimaient et le faisait se sentir vivant parce qu'emplit de milles et unes fortes sensations. Quand il se reveillait en pleine nuit, tremblant et effrayé, Wilbur souriait, allumait la lumière et se jetait sur un cahier pour y rediger ce qu'il avait vu ou entendu lorsque ses yeux avaient été clos. L'enfance était aujourd'hui bien loin. Ses cauchemars avaient changés, s'emplissaient de choses qu'il preferait ignorer plutôt que de coucher sur des pages et des pages entières.

Aussi, comme chaque élève, ce soir, regagnait son dortoir respectif, Wilbur, lui en sortait à pas trainant. Il fallait sans cesse trouver des astuces pour occuper le temps blanc de ses insomnies. Les répétitions nocturnes, après celle qui lui avait coûté une grosse part d'émotions diverses, avaient maintenant un goût amer et repugnant. Wil' ne trainerait plus du côté de la Salle sur Demande. Il marchait dans les couloirs, laissait glisser dans sa tête une chanson. Mais au détour d'un couloir, son chemin croisa celui d'une jeune fille, qu'il ne reconnu pas immédiatement. Comme elle paraissait faible et triste, Wilbur n'imagina pas un seul instant qu'il puisse s'agir d'Aranya. Aranya... et pourtant si, c'était bien elle, là, recroquevillée au pied du mur, dans tous les sens du terme d'ailleurs puisqu'elle venait de murmurrer des mots adréssés au Serpentard. Celui-ci hésita un court instant avant de s'avancer vers elle. Il n'aimait pas la voir dans cet état parce qu'il n'aimait pas voir le côté sensible d'Ara. Celui-ci avait tendance à le repousser, et à lui soutirer en même temps de vives émotions trop sucrées à son goût. Wilbur s'arrêta à plusieurs pas de la jeune fille. Chercha ses mots, à défault de trouver les gestes convenables dans une situation comme celle-ci. Les confrontations avec la jeune fille devenaient toujours plus espacées. Mais toujours plus poignantes...

- J'ai souvent tendance à éviter ce que je ne comprends pas. Ou ce qui m'inquiète de manière trop subtile. Va savoir pourquoi. Tu es un bien bel exemple de ce trait de caractère. Et je ne peux rien faire.

Wilbur se crispa lorsque la jeune fille se remit debout, brouillée de larmes et de cheveux en bataille, frèle, ayant perdue beaucoup de sa superbe arrogance habituelle. Le Serpy se surprit à penser comment pourraient réagir les élèves "victimes" d'Aranya, ou tout simplement ceux qui l'apprehendaient face à sa situation présente. Profiteraient-ils de cet instant de faiblesse pour lui cracher dessus ? Se moqueraient-ils de ses douleurs, vraies ou fausses, que tout le monde pensait inexistantes ? Ou bien est-ce qu'ils lui tendraient la main, lui diraient des mots reconfortants ? Wilbur ne voyait pas de réponse pour le moment. Aranya s'épencha en parole navrées. Wil' se méfiait. D'autant plus qu'avant. Difficile de trouver réaction adaptée à de tels propos. Il ne comptait plus les fois où Aranya l'avait déja enrôlé dans ses idées. Il avait deja faillit craquer lors de la dernière rencontre. Il avait un instant frôlé l'envie de se joindre à ses plans. Mais elle avait cassé la barrière du mensonge au dernier moment, alors qu'il allait de lui-même rendre les armes. A présent, Wil' se montrait moins naif.

- Tu veux peut-être me voir pleurer ? Tu veux qu'on te plaigne ? Si je ne te rejette pas, c'est peut-être parce que je te crains plus que les autres figure-toi. Tu vois, j'esquive ce qui me fait peur. Mais en ce qui te concerne... Je te deteste, parce que je te jalouse. Je dois t'aduler, et c'est pour ça que je ressens envers toi une profonde aversion. Dans ma vie j'ai dû, un jour, vouloir te ressembler. Maintenant je ne sais plus.

Wilbur cherchait ses mots.

- Mais il y a une chose que je ne comprends pas... si tu n'arrives pas à être comme les autres, pourquoi est-ce que cela te mettrait dans des états pareils ? Je croyais que tu tirais ton energie de ta différence. De ce fossé qui te séparait de tout le monde.

Evidemment qu'il ne comprenait pas. Qui pourrait comprendre Aranya, bon sang ? Wilbur détourna le regard. Il s'était attendu à cette réponse, bien-sûr. Et pourtant, il ne pu se sentir véxé et frustré. Doucement il se mordit les lèvres, cherchant quelue chose à rétorquer, comme une demande à la Serpy de lui expliquer, de lui raconter. Sans un mot de sa part, Aranya le fit machinalement, naturellement. Naturellement... remarque, ça restait encore à prouver. Wil' tourna de nouveau la tête vers la jeune fille, et sursuta imperceptiblement comme elle s'était approchée de lui jusqu'à même se caler contre le flanc de son visage. Wil' resta figé, partagé entre l'envie intense de la repousser et le bon-sens de la rassurer en la prenant dans ses mains. Foutaises... mieux valait rester neutre. Cette leçon s'était encrée, chaque fois un peu plus, dans le crâne de Wilbur à chaque rencontre avec Aranya. Aussi, le Serpy s'était campé sur ses jambes, les poings crispés le long de son corps, son regard se posant un peu au dessus de lépaule de la jeune fille. Aranya lui parla. Wil' lui preferait les mot aux gestes, même si les uns étaient parfois plus tranchants que les autres quand il s'agissait des siens.

- Moi qui croyais que c'était toi qui faisait trembler le reste du château... Quelle position dois-je prendre, moi, vis à vis de toi et de l'estime - ou non-estime - que te portent les autres ?

Wilbur recula d'un pas, posa ses mains sur les épaules d'Aranya et la força à le regarder droit dans les yeux, comme elle savait si bien le faire d'habitude. Car comme elle murmurrait à son oreille, le Serpy ne pouvait voir son expresionn. Peut-être souriait-elle en lachant ses paroles fortes émouvantes. Peut-être que ses yeux criaient au mensonge.

- Pourquoi dis-tu "revenir" et non "venir" ? As-tu déja été comme tous les moutons, toi, le zébre noir et vert de Poudlard ? Wilbur esquissa un sourire. Mais ce sourire disparu bien vite. Honnêtement, tu n'as rien à envier à qui que ce soit. D'ailleurs que pourrais-tu bien envier ? Une vie propre, bien rangée, sans fioriture et sans dedoublement ? Je me doute qu'être maginal, hors des idéologies basiques n'a rien de reposant. Ce soir tu vis le revers de la médaille mais demain tu seras redevenue toi-même, en pleine forme. Cette métamorphose... T'en souviens-tu ? C'est celle-là même que tu as effectuée devant moi l'autre soir, alors que tu étais en larmes, que tu me martelais, et que, soudain, tu t'es éclos comme une rose, fraiche et dangeureusement piquante.

Wilbur lacha les épaules d'Aranya. Une vague acide lui emplit la bouche. Soudain, il retrouvait toute l'aversion contenue pour la jeune fille. Il se rememorait la scène passée dans la Salle sur Demande, et ça ne lui faisait pas, mais alors pas du tout de bien.

Wilbur n'appreciait guère cette promiscuité forçée que lui imposait Aranya. Dans d'autres circonstances, encore, il n'en savait rien. Mais là... le Serpentard avait plutôt l'impression qu'il s'agissait d'une astuce pour l'entraîner plus loin encore dans ses affirmations, comme une preuve concrète pour lui prouver quelque chose. Wil' n'était pas à l'aise. Il laissa Aranya faire, mais la couvait d'un regard qui ne flechissait pas. Il releva legerement le menton.

- Je sais très bien que tu n'es pas une fille gentille. Justement, c'est l'une des milles et une raisons qui me poussent à ne pas te suivre dans ton raisonnement. Mon avis est que personne ne peut changer de caractère comme ça, d'un claquement de doigt parce que ses différences le font souffrir. De mon côté, je ne sais pas sur quel pied danser... Aussi, je ne peux pas t'apporter mon soutien. Et je ne peux pas te blâmer non plus.

Wil' vit Aranya poser sa main sur lui. Sur son coeur, plus precisemment. Le Serpentard eut un mouvement de recul mais dû bien se rendre compte qu'il ne pouvait plus aller bien loin. De plus, il ne savait que répondre aux paroles de la Serpy. A vrai dire, il ne savait les interprêter à leur juste valeur et cela lui déplaisait. Car un mot prononcé par Aranya pouvait valoir cent phrases.

- Une rose bleue...

Wilbur detourna le regard. Bizarrement, il se mit à songer à une toute autre jeune fille qu'Aranya. Ses pensées filèrent plus vite que sa clairvoyance et, sans qu'il ne sache vraiment pourquoi, le Serpy pensa au bal d'Halloween. Et ces pensées le firent revenir quelques jours en arrière, lors de la confrontation de Jessy avec Aranya, alors que la pluie s'abattait sur Poudlard. Wilbur était arrivé trop tard pour connaître le motif des sortilèges qu'allaient alors lancer la Serpy. Wil' reporta son attention sur Aranya et la regarda d'un air etrange.

- Crains-tu la présence de quelqu'un d'autre près de moi parce que je suis un des musiciens du groupe ? De quelle couleur étais-tu lorsque tu as agréssée Jessy quelques jours auparavant ?

Ses mots s'echappaient. Wil' ferma son clapet, mais surement trop tard.

Wilbur n'en revenait pas de ce qu'il entendait. Il en blêmit, même. Ses yeux étonnés cherchèrent dans le regard d'Aranya un chouilla de mensonge. Pourtant, le Serpy decouvrait avec horreur qu'elle disait tout de manière sincère. Elle semblait contenir une certaine colère en lachant ses paroles. D'ailleurs, elle voulait certainement le cacher, vu que son regard n'était plus vissé dans celui de Wilbur. Celui-ci ne remarqua que trop bien le changement de comportement de la jeune fille. Pourtant, Wilbur n'en fut ni heureux, ni effrayé. Il sentait le degoût venir le hanter. Quand Aranya eu terminé de parler, le Serpy resta silencieux quelques secondes avant de pouvoir tout assimiler correctement. Autant dire que la difficulté était grande. En particulier lorsque ses profonds sentiments étaient en jeu...

- Nan mais je rêve... dis-moi que tu plaisantes.

Wil' tenta, lui aussi, de contenir la colère qui bouillonait de plus en plus dans ses entrailles, et lacha à Aranya d'un ton agressif:

- Tu m'insultes ! Ouvertement ! Comment peux-tu prétendre une seule seconde de me défendre, alors que tu ne fais que me pourrir la vie d'autant plus ? Qu'est-ce que ma vie privée peut bien te foutre ? Ne va pas me faire croire que c'est parce que je suis un de tes musiciens, l'excuse est trop basse pour égaler ce que tu viens de dire.

Wilbur essaya de se radoucir. Pourtant, ce qu'Aranya venait de lui avouer lui semblait trop grave pour se calmer. Aussi, le Serpy pointa son doigt sur la jeune fille et la forca à la regarder dans les yeux, sans douceur aucune.

- Tu t'inities dans ma vie, plus particulierement dans ma vie privée, en jouant les Saint-Bernard qui minaudent gentiment en prétendant faire le bien autour d'eux. Pourtant tu n'agis qu'en sens inverse, et je mettrais ma main à brûler que tu le fais exprès... Ca crève les yeux. Et ce vide dont tu parles... je...

Soudain, le Serpy ne trouva plus les mots. Il semblait vouloir ajouter quelque chose, porté par sa lancé. Pourtant, plus une seule parole ne passa ses lèvres, et Wil' resta là, le regard perdant soudain toutes ses flammes. Il baissa les bras, dans tous les sens du terme. Le mieux qu'il puisse faire fut de detourner la tête, et de se passer les doigts dans ses cheveux noirs. Il se mordit la lèvre inferieure, se maudissant de perdre ses moyens devant une phrase, une simple phrase lachée par Ara. Ce vide... il y avait tant songé. Auprès de Jessy, la peur le tiraillait de la faire souffrir sans le vouloir. C'était déja arrivé. Une fois, mais une fois de trop. Pourtant la Griffy lui avait assurée que non, elle ne lui en voulait pas et qu'elle acceptait son amitié. Wil' s'était rassuré. Mais Aranya debarquait et venait maintenant de tout détruire. Juste à l'aide d'une poignée de mots.

- Je ne pense pas que tu veuilles défendre qui que ce soit. Surtout pas moi. Rien ne te pousse à le faire, ou alors quelque chose m'échappe. De plus en plus de choses méchappent... Si tu prétends que tout le monde me laisse tomber par crainte, alors j'imagine que toi non, je suis sûr que tu vas me ressortir tes belles tirades de hardiesse. Pourtant, si tu veux revenir parmis les autres comme l'as dit precedemment, ca veut donc dire que toi aussi tu n'auras plus une once de courage pour m'accepter...