Wilbur s'était bien douté que ces brusques changements dans la soirée n'allaient pas rester sans effet vis à vis de sa cavalière. Alors qu'il s'était dirigé hors de la piste de danse, vers un coin d'ombre pour surveiller le couple Gryffondor d'un air furieux, Aranya, elle, avait choisit de sortir. Non sans, au passage de sa démarche raide, lancer à Tom une reflexion desobligeante. Une reflexion que Wil' entendit malgré le brouhaha et la musique. Une reflexion qui le fit sourire à demi, et qui le decida, après un court moment d'hesitation, à se lancer aux trousses de sa cavalière. En passant près de Tom, Wilbur lui donna un coup dans l'épaule, mais continua son chemin sans se retourner. Le Gryffondor avait posé ses lèvres sur celles de Jessy. Il devait surement être heureux et fier de son acte. Ce même bonheur qui lui avait été refusé à lui. Wil' n'avait, bien entendu, rien raté de la scène. Il manquait de s'etouffer avec sa propre respiration sous le coup de la stupéfaction. Evidemment, il s'était attendu à cela de la part de Tom, le fait qu'un baiser allait pointer le bout de son nez en cette soirée. Seulement, c'est le manque de tact evident de la part du Gryffi qui fit frissonner Wil' d'un air furieux.

Comment pouvait-on lacher un "t'as aimé ?" vulgaire et lourd et assassin à Jessy, juste après avoir ecrasé ses lèvres contre les siennes ? Si la jeune fille tombait dans les bras de Tom, alors Wilbur en conclut qu'elle ne valait vraiment pas mieux que lui. Aranya avait raison. Le bal était une fête pour les autres et Jessy et Tom formaient alors un couple bien assortit. Wil' était terriblement déçu. Certes, il se riait des actes de Tom car ceux-ci étaient horriblement... indescriptibles. Mais Jessy... Elle, tombait bien bas dans son estime. En vérité, quand Wil' sortit de la Grande Salle, il ne vit pas la réaction de la jeune fille. En effet, il s'appliquait à chercher sa cavalière. Il la trouva dans le hall. Accelerant le pas, Wil' la rattrapa et s'arreta derrière elle en la retenant par la main. Il lui coupa la route en se mettant juste devant elle. Son regard était désolé pourtant ses paroles étaient plus dures qu'il ne l'aurait vraiment voulut.

- Aranya... Navré, je suis vraiment navré je gache tout, moi et mes debordements d'émotion. Mais comprends-moi, ce n'est pas tant ma faute que celles de ces deux Gryffondors qui, un jour me rendront vraiment fou. Tu le sais aussi bien que moi, je les deteste. Mais toi...

Wil' detourna un instant le regard. Soudain, tout paraissait calme comme l'ambiance du bal était déja plus loin. La musique s'etouffait. Le hall n'était occupé que de quelques couples désirant plus de calme plus un peu plus d'intimité. D'ailleurs, cette proximité avec plusieurs amoureux fleuris embarassa un instant Wilbur qui, ayant retourné le regard vers sa cavalière, se mit à chercher ses mots. Il prit les deux mains d'Aranya et lacha d'une voix crispée.

- Toi je te hais de moins en moins. Je t'adore de plus en plus chaque fois que l'on se rencontre. Et finalement ça ne me déplait pas de faire fondre la glace. Bien au contraire, l'evidence est que... j'aime beaucoup ça. Mais je crois que tu t'en va trop vite. Bien que mes bêtises doivent te coûter, je pense que tu seras d'accord avec moi sur le fait qu'il est maintenant grand temps de sortir la grosse artillerie... Les Damned Crumpeaters se feront une joie de monter sur scène. Surtout toi et moi.

Wilbur se demanda un instant si Aranya n'aurait pas plutôt désiré qu'il ne la suive pas plutôt que de la rattraper hors de la Grande Salle. Après tout, il pouvait le comprendre. Si sa cavalière n'avait plus envie de se tenir près de lui, alors il la laisserait. Il la laisserait pour aller mourrir quelque part, se terrer dans un coin du château comme un animal bléssé sentant la fin s'emparer de lui. Pourtant le Serpentard ne voulait pas, il s'habituait de plus en plus à la présence d'Aranya ! Et voulait passer encore un peu de temps avec elle, même s'il était trop fièr ou trop poltron pour le lui avouer. Mais ce plaisir qu'il avait à être avec elle possédait un arrière goût amer, degoûtant. C'est de cet arrière goût que Wilbur se méfiait constemment. Mais beaucoup moins ce soir. La jeune fille se retourna vers lui. Et lui fit un aveu qui le plongea aussitôt dans la perplexité. Aranya disait ne plus vouloir se venger Jessy, mais de Tom. Se venger du Gryffondor pour le mal qu'il lui faisait, indirectement parlant. Wil' se redressa, legerement sur ses gardes bien que troublé par les paroles de la jeune fille. Il ne savait pas s'il devait être ému ou glacial. Etre touché ou se facher tout rouge.

- Je pense que je devrais te remercier. Mais tu comprends, c'est... c'est un triangle qui m'embête de plus en plus, et t'entraîner là dedant serait une erreur de ma part. Je ne serais satisfait que si ci ce n'est moi, et que moi, qui me venge de ce Gryffondor. Bien que je connaisse tes talents magiques quand tu entres dans une envie de meurtre...

Wilbur lacha la main d'Aranya comme il venait de se rendre compte qu'il la tenait toujours dans les siennes. Il avait soigneusement pris soin de contourner la remarque de la jeune fille quant elle disait n'être venue au bal que pour lui... Lui aussi entendit le gong annonciateur de la fin. D'ailleurs celui-ci s'accompagna d'un bourdement protestataire et de sifflements enervés. Bientôt la foule viendrait pietiner le hall dans un vacarme assourdissant et Aranya et Wilbur seraient alors dans l'incapacité de parler. Wil' tourna la tête vers la jeune fille. Ses derniers mots décidèrent vivement Wilbur, qui se crispa de la tête au pied en un seul éclair. Une faveur...

- Fais vite, le troupeau va bientôt débarquer... Je t'écoute.

Wil' jetait de temps en temps quelques regards percants du côté des larges portes de la Grande Salle. Si Tom passait près de lui...

De la part d'Aranya, Wil' fut étonné de ne pas recevoir en demande une faveur plus... machiavelique. En fait, le Serpentard se refermait sur lui-même uniquement quand il sentait qu'on allait lui demander quelque chose. De la part de sa cavalière, ces quelques choses étaient, pour la plupart du temps, des invitations habiles mais grossières de se lier avec lui pour des plans qui lui était inconnus, mais dont il ne doutait pas de leur interet. Wilbur detestait quand Aranya faisait cela, lui afficher sa publicité et depeindre sur lui ses envies personnelles en lui promettant d'en ressortir plus grand et plus fort. Dans le cas présent, Wil' aurait pris ses jambes à son cou si elle lui aurait à nouveau proposé des choses dont il ne voulait pas entendre parler. Il aurait était tellement déçu que la scène Tom/Jessy serait passée secondaire. C'est pour dire...

Mais là, non, sa cavalière resta sage. Ou pas. Cela dépendait comment se faisait l'interpretation de sa "faveur". Wilbur n'en fut qu'à moitié surpris, preuve étant qu'une veritable affection se tissait entre lui et la Serpentard. Une affection dangeureuse, certes. Sans mot dire, Wil' esquissa un sourire et prit la main de la jeune fille en l'entrainant doucement dans un coin excentré du hall. Là il s'arrêta et Aranya l'enlaca aussitôt, posant doucement ses mains sur ses épaules en premier lieu, puis en resserant son etreinte alors qu'il enroulait egalement ses bras autour d'elle, sans rien brusquer, peut-être par peur de la briser comme du verre sous une trop forte pression. Wil' hésitait un peu, bien qu'il ne se sente pas trop nauséeux. Il posa son menton dans le creux de l'épaule que lui offrait Aranya.

- S'il n'y que ça comme faveur... Tu peux m'en redemander autant que tu le voudras.

Wil' murmurrait doucement à l'oreille de la jeune fille, legerement amusé de cette idée de slaw alors que le bal avait refermé ses charmes et que tout les élèves en revenait, le nez au parquet, le costume maussade et le maquillage degoulinant, moroses à l'idée de cette fête terminée. Pourtant, le Serpentard sentit que la soirée ne faisait que débuter. Bientôt, le flot des élèves disparut totalement. Ne restait du troupeau que quelques couples, encore tout fatigués d'avoir dansé et se serrant langoureusement pour prolonger les instants de bonheur passés... un peu comme Wilbur et Aranya. Puisque, au fil des minutes, le slaw se transformait peu à peu en veritable enlacade. La danse se muait tranquillement, ralentissait, et Wil' s'en appercut avec un certain plaisir. Il espaca un peu son etreinte pour regarda Aranya en face. D'une main quelque peu hésitante, il replaca une longue mèche noire des cheveux de sa cavalière derrière son oreille procelaine. Lui avait toujours son cotsume immaculé sur lui. Mais ses cheveux gominés s'effilaient, et quelques mèches noires lui tombaient devant les yeux, lui donnant un air un peu nonchalant. D'une voix vrillante, il lacha dans un sourire, la tête legerement penchée sur le côté:

- T'ais-je deja dit que tu étais belle ? Ou bien ais-je eut la frousse de te l'avouer, avant de me l'avouer à moi-même ? J'ai bien peur que ce bal ne prenne une toute autre allure que celle que je m'étais auparavant imaginé. Souviens-toi...

Soudain, Wil' se rendurcit quelque peu. Certes, il garda ses mains sur Aranya mais son regard bascula dans le noir tendit que sa voix baissa d'un ton.

- Je t'avais dit qu'après la soirée d'Halloween je ne voudrais plus entendre parler de toi. Maintenant, je ne sais plus quoi penser. Je suis quelqu'un de parole. Seulement il suffit d'un rien pour me faire pencher de l'autre côté... Autant ne pas te mentir, j'en suis perplexe.

Wilbur sentit la tête d'Aranya se caler contre lui, tandis qu'il l'enlacait toujours de son etreinte mesurée, mais debordante d'une affection qu'il peinait à maîtriser. Il fallait bien dire que cette affection, vis à vis de ses capacités, était comme de l'eau que l'on voulait retenir entre ses mains. Il la contenait du mieux qu'il le pouvait, mais elle affluait, dégoulinait entre ses doigts et faisait se resserer ses bras autour des épaules de sa cavalière. Il sentait bien qu'elle se laissait aller contre lui avec des gestes plus doux, plus vrais. Mais Wilbur gardait une oreille attentive aux paroles de la jeune fille comme elle était encore bien capable de planter ses griffes en amadouant sa proie. Le jeune garçon sourit à la première remarque d'Aranya :

- Je ne demande que ça tu sais...

Pourtant la suite se mua legerement en atmosphère plus froide. Wilbur s'en était douté. Après tout, c'est lui qui avait abattu la carte sur le tapis. Mais pas question de jouer ce soir à qui tiendra le plus longtemps face aux joutes de l'autre. Wil' était plus d'humeur à se défendre, à dresser des remparts autour de lui plutôt qu'à abattre ses armes avec colère.

- Je le sais Aranya. C'est bien pour ça que je suis perplexe. Je suis d'autant plus motivé à t'oublier qu'à...

Wilbur hesita un instant en croisant le regard de la jeune fille. Il se doutait que même sans aucun mot, elle comprendrait parfaitement. Pourtant, il fallait lacher cette parole ultime, ne serait-ce que pour lui, pour ses attitudes, pour se prouver quelque chose. Alors c'est dans un demi-sourire que le Serpentard lacha doucement :

- Qu'à t'offrir mes quelques fragements d'amour sincère. Les seuls que j'arrive encore à conserver pour quelqu'un qui ne me portera aucune deception. Je me suis déja trompé. Ca m'entraîne un peu, remarque...

Non pas que Wilbur soit devenu extralucide durant la soirée, mais il parait les réponses d'Aranya sans même se creuser les méninges. Pourtant, il se sentit fautif et prit de remords, comme s'il avait laché une grosse bêtise. Ce qui n'était pas loin des réalités. Comment vexer Aranya en dix leçons... Plus le temps passait, plus le Serpentard le savait. L'une de ces dix leçons était "lui proposer quelque chose de partiel". En plein dans le mille avec sa proposition de fragments d'affection. Il n'en fallait pas plus pour qu'Aranya s'ecarte de Wilbur en le regardant d'un air soudain plus noir. Wil' resta les bras balants à écouter la jeune fille tout en essayant de trouver une réponse.

- Je ne suis pas un idiot Aranya, tu viens de me le dire il n'y seulement que deux minutes. "C'est tout ou rien", j'ai assimilé, je retiens la règle. Mais, navré que tu n'ais pas compris : je n'ai plus que ça, des fragments après la vague defferlante rouge et or que tu ne connais que trop bien...

Wil' se tut immédiatement, s'appercevant - mais trop tard - qu'il était en train de tout caler sur le dos de Jessy. Il était fautif, lui aussi, à mélanger tout les sentiments comme les ingredients d'un gâteau à l'arsenic. Le Serpentard detourna un instant les yeux. Mais les vives paroles d'Aranya lui ravivèrent toute son attention, et Wilbur se crispa legerement sous le coup d'une bouffée soudaine de mélancolie. Aranya était tout ce qui pouvait le raccrocher au bonheur ce soir. Si jamais il la perdait, alors il perdait tout. Wil' aurait voulu le lui dire, comme cette pensée entrait en parfaite armonie avec la philosophie, la sienne, qu'elle venait de lui ennoncer. Tout ou rien. Elle, ou le desespoir. Pourtant, les mots ne franchirent pas les lèvres de Wil'. Du moins, pas ceux qu'il désirait lui dire du fond du coeur. Il se mordit la lèvre inferieure:

- J'ai proposé à Jessy un amour... sincère. Mais il s'effrite maintenant, comme je suis partagé, je te l'ai dit. La deception me ronge de l'interieur. Et je ne te forcerais à rien. Je n'en serais même pas capable. Après tout, c'est moi qui dois me fondre dans les formes de tes sentiments. Moi je... je ne fais que suivre le troupeau. D'ailleurs, ce soir, je me demande lequel suivre. Celui des Sombrals ou des blanches brebis ?!

Wil' inspira longuement. Alors finalement, cette soirée de bal virait au tragique. Il devait maintenant choisir. Et le Serpentard se maudissait de ne pas y avoir pensé plus tôt. Bien sûr qu'il devait choisir, et vite. Aranya n'attendrait pas. Ou sinon, elle se detournerait de lui. Et Wilbur était même prèt à se faire haïr de la Serpentarde plutôt d'être ignoré de son regard et de ses attitudes hypnotiques. Encore une chose qu'il aurait aimé lui dire, lui glisser au creux de l'oreille. Seulement, son coeur se confrontait avec ses esprits. Et ne ressortit tout haut que des paroles regrettées avant même d'êtres dites.

- Comme je n'ais que cela à t'offrir, et qu'il faut que je suive ta logique, alors mieux vaut en rester là. Bonnie and Clyde, plutôt que Roméo et Juliette... Les vengeurs d'honneur plutôt que les devoreurs de bonheur. Tant mieux ou tant pis, Aranya, tu dois surement le savoir mieux que moi après tout. Je n'ai jamais eu l'experience que du sombre côté de l'affection sincère qui m'a frappé le coeur et la tête. Mais pas celle de son côté positif, celui dont tout le monde rêve. Je n'ai donc rien à perdre. Rien, ci ce n'est le plaisir immense de t'avoir encore entre mes bras...

Plus Wilbur parlait, plus son ton se durcissait. Son visage prenait des expressions fermées et sans chaleur. Pourtant, dans le crâne du Serpy hurlaient les appels au secours, les envies de contradiction de la part d'Aranya. Le coeur suppliait à la tête de retirer ses paroles. La tête criait au raisonnable. Le chaos regnait partout en Wilbur tandis qu'il plongeait son regard dans celui de la jeune fille... pour la dernière fois, avec ce ton d'amoureux honnête ?

Wilbur croisa les bras, soudain bien décidé à ne plus effleurer Aranya de ses gestes. Non pas qu'il n'en ressentait plus l'envie, la jeune fille l'attirait de plus en plus, et dangeureusement. Seulement plus elle parlait, plus le Serpentard se sentait petit, miserable. Elle esquivait ses propositions tout aussi habilement que lui, quelques heures avant. Les deux élèves s'envoyaient les invitations comme une balle de tennis qui changeait de camps avec fracas. Wil' ne savait pas où cet echange allait mener. Il eut simplement peur qu'Aranya, elle, le sache. Ignorer une chose que la Serpentard connaissait était pour Wilbur la pire des tortures psychiques. Il ne voulait pas s'aventurer trop loin, la tristesse l'avait deja trop affaiblit pour qu'il se sente encore motivé. Quand Ara eut fini de parler, Wil' reporta vers elle son regard mi triste-mi-véxé. Il balaya l'air de sa main d'un geste vague, comme pour chasser une mouche trop entêtante.

- D'habitude j'aime avoir la balle dans mon camps, toutes les cartes en main. Pourtant je te demande de m'aider dans mes choix et tu la repousses avec les mentalités que tu m'expose et tes regards... sournois ? Je te remercie d'ailleurs de me les débaler devant mes yeux. Mais ça ne justifie pas ton absence de decision. Quoique tu veuilles que nous suivions chacun notre propre route... si ta réponse est celle-ci...

Wilbur poussa un long soupir et ferma un instant les yeux :

- J'en ai marre... vraiment. La seule distinction à laquelle je me "raccroche", comme tu le dis, ce n'est pas celle des gentils/méchants. Mais celle de ceux qui semblent heureux ensemble, et ceux qui ne le sont pas. Je ne suis pas heureux, je n'ai plus de bonheur, je pensais au moins que tu ais compris ça ce soir ! S'il est du chagrin qui dort, alors en moi il doit être insomniaque... Il ne se repose pas.

Le jeune garçon fut interloqué - encore une fois - par l'une des phrases d'Aranya qui lui sauta aux oreilles. Il fit un pas vers elle.

- Pourquoi dis-tu qu'il n'est pas un but ? Parle pour toi, Aranya. Pour moi si, il en est un. Je cours après depuis trop longtemps. Suffisement pour m'appercevoir qu'il ne cesse de m'échapper dès lors que je pense poser la main dessus. Peut-être existe-il des acteurs de ce bonheur dans ma vie. Mais ils hissent le drapeau noir dès que je m'approche. Si les joies, le bonheur, sont des états alors... alors je ne le ressent pas souvent. Jamais, pour ainsi dire.

Wilbur recula soudain brusquement, alors qu'il avait eu la pulsion de porter sa main au visage de la jeune fille pour doucement lui effleurer la joue de ses doigts. Comme s'il venait de se brûler, Wil' la recula vivement et lacha d'une voix cassée :

- Tu as surement raison, nous n'avons pas encore brisé la glace. Jessy est encore dans mon esprit, à geler toute cette eau qui somnole. Un jour peut-être... mais tu ne seras plus là, de toutes manières...

Le Serpy parlait de moins en moins fort, comme s'il s'adressait soudain plus à lui même qu'à Aranya. Il voulut s'enfuir, tourner les talons, vite... très vite. Pourtant une force invisible le força à ne pas bouger. Wilbur ne voulait plus entendre la jeune fille. Seulement la retrouver dans ses bras, encore une seule fois. Car demain serait un autre jour, le bal et ses poudres jetées aux yeux n'existera plus.

Wil' ne put bouger d'un millième de millimètre tant les attitudes d'Aranya avaient don de le clouer sur place. Il put à peine croiser son regard, et la laisser poser ses mains, à lui, sur ses hanches, à elle. Ara enlaca son cou, à lui, de ses tendres mains, à elle. Tout à elle. C'était bien l'impression du Serpentard en ce moment, il était tout à elle. C'était bien simple. Un peu comme un object que l'on manipulait pour savoir s'il était performant, digne de confiance, qu'il ne vous lacherait pas de si tôt. Le jeune garçon avait quelques frissons au simple contact qu'il pouvait avoir avec son ex-cavalière. Il avait beau se persuader que le mieux était de la fuir, de l'éviter au maximum, Wilbur dut se rendre à l'evidence que quelque chose, quelque chose d'intense faisait de lui un pantin quand la jeune fille posait ses mains sur lui. Il devenait minable entre ses bras, faiblard sous son regard, carrement hors-service lorsqu'elle daignait esquisser un sourire à son attention. Wilbur la laissa se rapprocher de lui, jusqu'à completement se coller à lui. Deja, Wil' put entendre de nouveau la musique du bal flotter dans son esprit.

- Te rendre heureuse est la plus belle des victoires pour moi, honnêtement parlant. Mon égoïsme mis à part, bien entendu ! Et crois-moi, le rejeter pour toi est un des sacrifices les plus honorables. Mais je ne m'attends pas à ce que tu me remercies...

Wilbur laissa s'épaissir un silence au départ innocent. Il colla son nez à celui d'Aranya en souriant d'un air sournois. Dans son regard passaient des lueurs qui ne trompaient rien.

- Je m'attends à ce que tu m'aimes, moi. Il m'est impossible de concevoir un possible eloignement de ta part. Moi je rends les armes. Je me demande même si je ne les ais pas rendues depuis le départ vois-tu... Mais toi. J'attendrais. Je suis patient tu sais. Et oui, tu peux me faire confiance. Je n'en attends pas autant de toi. Je m'en fiche en fait. Je m'en fiche eperduement. Bien que cela me soit très certainement delectable, je m'en doute.

Wil' osa glisser sa main dans les cheveux d'Esmeralda d'Aranya. Il glissa son nez dans son cou et l'effleura du bout des lèvres, un peu comme un vampire avant d'achever sa proie. Mais pas question de boire le sang de la jeune fille, même si son deguisement était évident. Soufflant doucement dans le cou de sa cavalière, Wilbur s'amusa à penser tout haut.

- De quelle couleur serait ton sang ? Quel goût il aurait ? Je ne le devine pas...

Comme electriser Wilbur en trois leçons... Premierement, glisser ses mains dans son cou, deuxièmement, se caler contre lui et troisièmement... Non. Le troisièmement ne s'expliquait pas. Ou alors avec des mots trop faibles, pas assez magiques pour l'exprimer correctement. Une simple pression, douce mais nette. Et comprehensible. Le Serpentard se laissa faire, bien evidemment. Comme il ne s'y était pas attendu, il resta un peu pantelant, un peu idiot. Pourtant ce n'était pas un vrai baiser. Mais Aranya lisait en lui comme dans un coeur ouvert en deux parties. Elle y dechiffrait les points faibles, les désirs, les aspirations. Wil' se sentit affreusement bien. Tellement d'ailleurs qu'il inscrivit ce moment dans son crâne, comme un canif dans l'ecorce d'un arbre. En perdiode de doute, d'hésitation ou de mélancolie, il s'en souviendrait. Il y puiserait un peu de courage, un peu de force. Un peu d'amour ? Il était encore trop tôt. Wilbur, encore un peu ému, se recula et ne put s'empecher de sourire du coin de la bouche, à l'endroit ou Aranya venait d'y poser ses lèvres. Il pencha legerement la tête sur le côté dans une attitude enfantine. Un peu comme un gamin qui venait de recevoir un cadeau hors periode de Noël, une fois son anniversaire passé.

- Et moi je te dois un pardon. Même mille si je ne me trompe pas.

Comme pour accentuer ses paroles, Wil' passa une main hésitante sur l'épaule nue de la jeune fille, qu'il avait griffé durant la soirée sous le coup d'une vision qui ne lui était pas vraiment agréable.

- D'ailleurs, comment puis-je mettre ces pardons en oeuvres, si pardons il y a ?

Face à Aranya, dans cette delicieuse situation, Wil' prenait d'evidentes attitudes de gosse, visiblement peu habitué à être gaté. Il était si ravis qu'il en devenait presque innocent. Presque. Mais son instinct de mâââle se reveilla pourtant, et le jeune garçon tenta, mais en vain, de remettre la main sur sa fierté, quelque peu égarée. Il se tenait droit, toujours aussi inflexible, mais toujours avec ce petit air bancal, pourtant entre les bras d'Aranya, la haute taille de Wilbur semblait fondre comme neige sous Soleil. Le jeune garçon, qui jusque là regardait Aranya avec un regard degoulinant, à demi-clos, se releva, perdit son sourire sous le coup d'un bonheur un peu trop grand pour lui. Ses yeux clignèrent. Sa voix se voulue un peu begayante.

- Tu... tu dis vrai ? Regretteras-tu ce que tu viens de me dire, là, maintenant !?

Wil' sentit un frisson brûlant lui parcourir l'échine. Il regardait Aranya d'un air soudain extremement serieux. A l'affut de sa réponse. Il semblait que rien ne pouvait plus decoller son regard de celui de la jeune fille. Il paraissait presque changer de couleur. Pourtant, un bruit mat resonna soudain dans le hall, et Wil' redressa la tête. Les torches s'étaient presque éteintes. Le Serpentard ne l'avait pas remarqué.

- On devrait retourner aux dortoirs. Etre heureux, c'est bien. Etre punis, c'est encore mieux... Mais j'ai trop hate de savoir si ce bonheur perdurera. Le meilleur moyen pour connaître la réponse, c'est de nous quitter. De nous retrouver ensuite. Pour le mieux ou le pire, tu es d'accord...

Wilbur était reconnaissant envers Aranya. Elle comprenait tout à fait ce qu'il voulait lui faire comprendre. Elle illustrait d'ailleurs ses propos, et le Serpentard se sentit apaisé de cette soudaine peur qui s'était pointée en lui au moment où il s'y attendait le moins. Mais il avait eu raison de s'exprimer, de laisser parler cette aprehension, aussi minime était-elle. Le jeune garçon entrecroisa ses doigts avec ceux de la jeune fille. Il n'oublierait pas cette soirée. Mais le charme se ronpera-t-il plus tôt que prévu ? Perdura-t-il encore, ou n'était-il que pure chimère depuis le début ? Bien que Wilbur ne le voulut vraiment pas, ces interrogations masquèrent un instant les paroles de la jeune Serpentard. Et il dut tourner vers Aranya des yeux en forme de point d'interrogation avant d'assimiler ce qu'elle venait de lui dire.

- Je me propose de les écrire avec toi. Si cette soirée n'était pas une illusion, evidemment. Car sinon, je péfère bien te renvoyer les menaces. Méfie-toi de mes attitudes guimauves...

La dernière question de la jeune fille fila à mille kilomètres au-dessus de la tignasse de Willou. A tel point qu'il s'en retrouva même bête :

- Hein ? Non. Euh... si, oui. Bien-sûr que oui. Je vous en pries.

Wil' s'inclina dans une reverance, accompagnant Aranya vers les marches de l'escalier de marbre qui descendait dans les sous-sols. Il lui tendit la main comme si la Serpentard allait devoir appuyer son pied sur la haute marche d'un carosse.

- Le carosse n'est pas reluisant, bien qu'il ne soit pas citrouille. Et moi je suis bien loin d'avoir une tronche de Prince Charmant. Mais de grace: Accompagnez-moi sans crainte... Espèce de princesse que tu es !

Wilbur suivit Aranya dans l'escalier en se tenant à la rampe tant la fatigue l'avait anéantie. Il ne s'en était pas rendu compte. Mais la soirée s'était étirée en longueur. Wil' et Ara avaient été les derniers à repartir. Il était soit très tard ou alors très tôt. Les deux Serpentard erraient au creux de la nuit, dans ces instants où l'on ne sait plus quelle heure nous guide. D'ailleurs Wil' s'en foutait. La seule chose qu'il ressentait étaient ses attitudes éreintées qui le faisait chanceller dans les marches, manquant plusieurs fois de le faire trébucher. Quoique trébucher pour se rattraper dans les bras d'Aranya n'était pas forcement solution deplaisante. Wil' regarda la jeune fille du coin de l'oeil tandis qu'elle lui glissait encore quelques mots à l'oreille, à voix plus basse pour ne pas alerter les rondes de surveillants. Et dire qu'il était censé la destester de tout son être... A croire que la haine fermentait, se muait en une sorte d'admiration passionnée, un brin fanatique ou maladive. Wilbur revoyait encore le premier affrontement eut avec la Serpentard. Elle en avait conservé un cuisant souvenir jusqu'à ce qu'il l'effaca de sa propre main. Et aujourd'hui. Et maintenant... maintenant quoi ? Tout cela, toute cette masse de sentiments était aussi inconnue du côté de Wil' que celui d'Aranya. Autant dire que rien n'était encore engagé. Non pas que Wilbur estime l'amour comme une sorte de prison dorée, mais il tenait à sa liberté. S'il devait en venir à aimer Aranya, c'était parce qu'elle pensait de même de son côté. Une fois devant la porte de la Salle Commune, Wilbur lacha le mot de passe, et ouvrit l'entrée à la jeune fille.

- C'est l'heure de remettre les pieds sur terre alors. Pour le meilleur, pour le pire, j'en sais rien. Nous verrons bien, tu es d'accord.

Wil' avait refermé la porte derrière lui et s'était dirigé d'un pas trainant vers le petit escalier grimpant jusqu'au dortoir des garçons. Le Serpentard placa ses mains dans son dos comme il ne savait pas trop quoi en faire. Vu qu'il ne tenait plus sa cavalière contre lui... Il jetait quelques regards à Aranya en se balancant d'avant en arrière, comme un idiot. Si ce soir n'était que chimère... Alors il n'avait rien à perdre. Et si demain était un autre jour, plus vrai, plus terre à terre, raison de plus pour aimer jusqu'au bout. Wil' s'avanca donc doucement vers Aranya, la silhouette de la jeune fille se detachant sur les dernières lueurs rouges des flammes de la cheminée. Wilbur se promit de conserver longtemps cette image dans un coin de sa tête, comme un écran de fumée etincelant de bizarrerie. Wilbur attrapa doucement le menton de la jeune fille entre ses doigts, avant d'oser déposer un doux baiser sur ses lèvres. Pour rien, pas pour de vrai, mais pas vraiment pour de faux. Pour dire bonne nuit, pour signer cette soirée en beauté. Comme il n'y connaissait rien et qu'il ne voulait rien brusquer, Wil' s'arrêta là. Il jeta simplement à sa camarade un sourire des plus tendre en murmurrant doucement:

- Bonne nuit. J'essaierai de ne pas me reveiller.

Wil' tourna les talons et grimpa les marches. Tandis que paradoxalement, il redescendait de son ciel étoilé. Un peu comme un ange qui se casserait la gueule. C'est en tout cas ce qu'il craignait...

[ Finish :face: ]